Lettre de Pauline Marois : « On peut être pour ou contre la hausse, mais on ne peut pas, comme société ou comme responsable politique, être contre la jeunesse québécoise »
Je vous écris tout d'abord pour réitérer notre volonté de prendre
résolument parti pour la jeunesse québécoise. Je veux aussi préciser ce
qui aura été notre position tout au long de ce conflit que nous vivons
depuis trois mois et qui a malheureusement mené à bien des dérapages qui
auraient pu être évités si Jean Charest avait gouverné de façon
responsable.
La position du Parti Québécois est claire
Sur la question du financement des universités, notre position a été adoptée au congrès d'avril 2011.
Notre position est claire :
Si nous remportons la prochaine élection, nous nous engageons à annuler
la hausse de 82 % des droits de scolarité décrétée par le gouvernement;
* Nous tiendrons un sommet sur l'enseignement supérieur;
* Ce sommet portera sur le financement et la gestion des
universités, l'accessibilité aux études, l'endettement des étudiants, la
qualité de l'enseignement et de la recherche ainsi que les droits de
scolarité incluant les frais afférents;
* Lors du sommet, un
tiers des sièges sera réservé aux représentants des étudiants, un autre
aux représentants du monde de l'éducation et l'autre tiers aux
représentants de la société civile;
* Toutes les propositions pourront être étudiées lors de ce sommet où aucun sujet ne sera tabou;
* La proposition d'un gouvernement du Parti Québécois sera
qu'aucune hausse ne devra être supérieure au taux d'inflation, tant et
aussi longtemps que le Québec n'aura pas atteint la moyenne canadienne
du taux de diplomation;
*
Les contradictions libérales
Nous avons donc été d'une grande constance en maintenant cette position
nuancée et responsable. Nous avons d'ailleurs vu au cours des derniers
mois que la position sans nuance du gouvernement libéral n'avait pas
tenu la route. Les libéraux affirmaient par exemple que l'accessibilité
aux études des étudiants des familles de la classe moyenne n'était pas
du tout menacée par la hausse de 82 %. Depuis, le gouvernement a admis
son erreur en proposant de modifier le système de bourses pour faciliter
l'accessibilité des jeunes de la classe moyenne.
Le
gouvernement a répété inlassablement qu'il fallait injecter plus
d'argent dans nos universités, mais sans jamais accepter de se poser des
questions urgentes sur la gouvernance. Pourtant, à chaque fois que je
passe devant l'îlot Voyageur et que j'aperçois le drap qui couvre
l'édifice comme un sac de la honte, je me dis que tout ne tourne pas
rond. Le gouvernement l'a admis en formant un comité sur la gestion des
universités.
Une génération qui supporte déjà un lourd fardeau financier
Le gouvernement a répété comme un mantra que « chacun devait faire sa
juste part. » Mais qu'est-ce qu'il y a de juste à imposer une hausse de
82 % aux étudiants? Nos jeunes, que certains se plaisent à décrire comme
des bébés gâtés, paient déjà beaucoup plus en droits de scolarité que
leurs prédécesseurs des années 70, 80, 90 et 2000. Ils devront en plus
supporter le fardeau d'une dette publique qui a explosé depuis l'arrivée
au pouvoir des libéraux. Ils devront soutenir les dépenses publiques
liées au vieillissement de la population – les pensions de retraite et
les soins de santé – à même leurs impôts. Jamais dans l'histoire du
Québec une génération de jeunes n'aura eu &ag rave; assumer plus
lourde part. Et il faudrait en rajouter à coup de 82 %? Je crois au
contraire que nous avons tout intérêt à favoriser l'enrichissement des
nouvelles générations, elles qui paieront largement « leur juste part »
d'impôts et de taxes tout au long de leur vie active.
Les solutions du Parti Québécois pour sortir de l'impasse
Depuis le début du conflit, nous avons proposé plusieurs solutions pour dénouer l'impasse :
Le 21 mars, la veille de la grande manifestation pacifique qui a réuni
quelque 200 000 personnes à Montréal, j'invitais le premier ministre à
ouvrir le dialogue avec les étudiants;
* Le 27 mars, la
députée de Taillon et porte-parole de l'opposition officielle en matière
d'enseignement supérieur, Marie Malavoy, déposait une motion à
l'Assemblée nationale pour exiger du gouvernement qu'il négocie avec les
représentants des mouvements étudiants afin de dénouer la crise.
Malheureusement, le gouvernement a voté contre la motion;
* Le
25 avril, j'ai réclamé une suspension de la hausse des droits de
scolarité prévue pour septembre afin de faciliter le dialogue, comme
l'ont fait de nombreux sages, dont les anciens ministres libéraux Claude
Castonguay et Jean Cournoyer;
* Puis le 2 mai, j'ai demandé
au gouvernement de nommer un médiateur, à l'instar de plusieurs
personnalités publiques qui en avaient fait la suggestion.
*
Jean Charest a rejeté toutes les propositions que nous lui avons
soumises préférant laisser le conflit dégénérer. Les seules réponses que
nous avons eues du gouvernement, ce sont des insultes et un mépris
lourdement affiché par le premier ministre envers les dizaines de
milliers de citoyens québécois qui arboraient le carré rouge. Le chef
libéral s'est même abaissé à associer le carré rouge à la violence.
Après 13 semaines de conflit, l'impasse demeure entière et le
gouvernement semble naviguer à vue en plein brouillard. À la suite du
refus de l'entente signée samedi, j'ai demandé de nouveau au premier
ministre qu'il reprenne le dialogue avec les étudiants afin qu'ils
puissent terminer leur session. Il a de nouveau refusé.
Jean
Charest a préféré jeter les blâmes à gauche et à droite plutôt que de
prendre ses responsabilités de premier ministre. En s'en prenant à moi,
le chef libéral est même allé jusqu'à donner des leçons à propos des
qualités requises pour occuper la fonction de premier ministre. Ni moi
ni personne n'a de leçon à recevoir d'un homme qui a laissé s'installer
la corruption, l'endettement, l'injustice et maintenant un conflit
social dont tout le Québec sort perdant. Comme c'est son habitude depuis
neuf ans, Jean Charest tente de détourner l'attention de son bilan en
accusant ses adversaires et en déformant les faits.
Dur avec nos enfants, mou envers la corruption
Si le gouvernement avait écouté et appliqué les solutions que nous lui
avons proposées, nous ne nous retrouverions pas aujourd'hui dans un tel
cul-de-sac. Nous devons nous poser la question suivante : pourquoi le
gouvernement a laissé les choses dégénérer ainsi? Pour moi, la réponse
est claire. Si Jean Charest s'est montré si dur avec nos enfants, c'est
pour faire oublier à quel point il a été mou envers la corruption.
Pauline Marois Chef du Parti Québécois
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